Lorient, Morbihan
Vincent Langlois, éditeur freelance et journaliste
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Adaptation d’un type singulier

L’acteur Jacques Spiesser dans le rôle du protagoniste silencieux

À propos du film Un homme qui dort (1974), réalisé par Georges Perec & Bernard Queysanne, d’après le roman de Georges Perec

L’expérience par les sens

J’ai vu pour la première fois Un homme qui dort au cinéma, lors d’un festival de documentaire à Paris, il y a quelques années. Peu familier des formes expérimentales de cinéma, je ne m’étais pas attendu à recevoir un tel choc.

En le revoyant, dans d’autres dispositions, je n’ai pas ressenti à nouveau le spectre d’émotions intenses qui me l’avait rendu quasi insoutenable[1]. Qu’est-ce qui a changé ? Au cinéma, entouré d’étrangers, enfermé dans un espace obscur, agressé par la luminosité d’un écran énorme, ne pouvant me déplacer ni mettre le film en pause, pour justement en faire une, ce film m’avait paru une agression synesthésique : ce noir et blanc trop contrasté, ces bruits stridents imprévisibles, cette accélération suffocante du montage, et surtout cette voix, instance moralisatrice suffocante, omnisciente, féminine. D’un point de vue introspectif, intime, il avait rouvert en moi une fêlure essentielle, quelque chose d’inabouti dans le processus d’appropriation du monde qui se déroule pendant l’enfance et l’adolescence de l’individu.

Chacun s’interroge, à un moment donné ou durant toute sa vie[2], sur le fondement de ce qui motive son existence, en général et au quotidien ; ou, plus précisément, interroge ce qui dans la perspective générale de sa vie l’oblige à ce lever ce matin, et tous les autres matins. Pourquoi, pour quoi ? Il faut trouver une réponse. À défaut, ce manque n’est pourtant pas suffisant pour pousser au suicide, mais l’envie de vivre est trop faible pour agir, et la chute dans la folie pas accessible à la volonté[3]. Cesser de vivre sans pour autant mourir[4]. Il ne s’agit pas de l’apparition d’un malaise, mais du dévoilement de l’absence de quelque chose, qui n’a jamais été, alors qu’on faisait comme si[5], parce que c’est la norme sociale.

L’homme qui dort – il n’a pas d’autre nom, et plus précisément, on pourrait dire qu’il est en fait « en veille », comme peuvent l’être les appareils électroniques – plutôt que de s’adonner à des dérivatifs, va au bout de cette expérience du vide[6].

Quelle adaptation ?

Du point de vue d’une réflexion qui interroge les rapports qui peuvent exister entre la littérature et le cinéma, nous sommes en présence d’un cas de figure qui n’est pas extraordinaire[7], mais au moins singulier, et qui mérite d’être qualifié avec précision. À savoir : un écrivain, en aucun cas cinéaste[8], qui adapte sa propre œuvre, en coréalisant un film tout à fait atypique à de nombreux égards. Bernard Queysanne, le coréalisateur, est quant à lui un pur homme de cinéma. La question, donc, de leur rôle respectif dans la réalisation émerge d’elle-même. Et, quand on sait qu’il s’agit d’un film sans dialogue, avec une voix off qui dit le texte même du livre, on peut envisager que cette « adaptation » entretienne un rapport très original au livre dont elle est tirée.

Il ne s’agit pas d’interroger l’œuvre des deux hommes du point de vue, normatif, de la réussite ou de l’échec. Il s’agit plutôt de se demander pourquoi cette adaptation, précisément, c’est-à-dire pourquoi ces choix, qu’est-ce qui fait la spécificité de cette œuvre, en quoi sa forme est-elle déterminée par un ensemble de circonstances (la définition des rôles entre les deux hommes, la lecture qu’il font de l’œuvre originale, la conception qu’ils ont du cinéma et de l’adaptation, le budget fort restreint du film, etc.). Et, par rapport à l’ensemble de l’œuvre de Perec, on peut se demander comment situer ce film, est-ce qu’il représente quelque chose comme un aboutissement : pas qu’elle l’achèverait, mais qu’elle en soit un développement, une excroissance nécessaire à l’équilibre de l’arbre[9].

La réalisation pour Perec

Georges Perec (1936-1982) a beau être un grand écrivain, doué d’un goût certain pour l’analyse théorique qui plus est, sa conception de l’art cinématographique ne semble pas extrêmement élaborée. Et, plus grave, il affiche même à l’occasion un certain mépris pour la réalisation cinématographique. Cette adaptation, n’est jamais, à ces yeux, que « la plus belle lecture que jamais écrivain n’a pu rêver pour un de ses livres. En ce qui me concerne, ça me suffit amplement[10]. »

Pour lui, Un homme qui dort était celui de ses romans le plus visuel, et, donc, le plus cinématographique. Ce « donc », cette évidence du lien entre cinéma et images, celle-là même qu’a critiqué Bresson, l’erreur des écrivains face au cinéma, ne laissait présager rien de bon pour ce projet. Perec, néanmoins, se rend bien compte que le travail de mise en scène ne s’improvise pas, et il n’imagine pas tourner un premier film seul. Il propose à Bernard Queysanne (1944-), son ami, sensiblement plus jeune que lui et travaillant comme assistant-réalisateur depuis une dizaine d’années, de faire ce film avec lui. Il faut noter que Queysanne, bien qu’enthousiaste à cette idée, appréciant le livre, ne trouve pas l’idée intéressante en soi. L’enjeu, pour sa carrière, est important : il s’agirait de réaliser son premier film, une étape qui ne peut être prise à la légère. C’est pourquoi il considère que faire une adaptation type « néoréalisme italien », comme il semblerait que l’appelle naturellement le livre, n’aurait pas d’intérêt, artistiquement parlant[11]. D’un autre côté, Perec, du fait de sa relative célébrité[12], lui offre l’opportunité de se faire remarquer.

Une relative incompréhension, un certain décalage entre les deux hommes est sensible jusque dans leurs interviews, alors que le film est derrière eux. Il serait exagéré de dire que celui-ci s’est construit sur un malentendu ; mais une définition des rôles bien précise s’est mise en place dès les premiers instants du tournage, jusqu’aux ultimes heures du montage.

Perec n’a aucune notion « technique » – le mot qu’il emploie, qui minimise la dimension artistique du travail de réalisation –, il laisse donc ce travail à Queysanne. Mais cette attitude traduit, un peu puérilement, une certaine frustration face à sa propre incapacité, dont parle ici Queysanne : « Il reste qu’il n’avait aucune notion de l’espace. Il n’avait aucune idée de ce qu’est un travelling, un plan large… Il restait dans le champ de la création abstraite, alors que le cinéma est extrêmement concret. Il restait au niveau de l’énumération […]. Après, la mise en forme était de moi.[13] » Car, justement, l’accession à la création cinématographique passe par une interface technique, comme, finalement, dans tous les arts, littérature comprise. Il a ainsi cherché à transposer (et non pas, justement, à adapter) certaines contraintes oulipiennes. Et Queysanne, à court d’arguments, le laissait essayer, afin qu’il se rende compte que ça ne marchait pas, que ça ne pouvait pas marcher. Il s’énervait pendant le montage, ne pouvant pas comme à l’écrit raturer et récrire à sa guise[14]. Tout se passe comme si Perec, fort de sa maîtrise de l’art de l’écrit, et de la profondeur de sa réflexion artistique, se croyait être devenu un artiste universel, au-dessus des contingences matérielles des arts particuliers : mais la réalité, évidemment l’a ramené de ses divagations[15].

Un film atypique tiré d’un roman atypique

Bref, c’est donc en pur écrivain, qui cherche dans le cinéma le « visuel », que Perec envisage de réaliser. Le processus créatif de l’adaptation, fait en collaboration égale avec Queysanne, met au jour des problématiques artistique relatives à l’œuvre de départ (qu’est-ce qu’il faut garder, qu’est-ce qui fait la force de l’œuvre) et à l’œuvre d’arrivée (à quoi doit-elle ressembler).

Je me contenterais ici de donner le point central de leur démarche. Elle consiste à n’avoir pas récrit une ligne du texte original, en se contentant de retrancher des passages − qui, mis bout à bout, représentent les deux tiers du livre. C’est une idée de Queysanne. La particularité la plus saillante du livre, c’est d’utiliser la deuxième personne du singulier. Ce « tu » déstabilisant, qui ne renvoie, dans le contexte d’une narration écrite, pas précisément à l’un des trois acteurs habituels (le narrateur − et l’auteur caché derrière lui −, le personnage, le lecteur), comment l’utiliser au cinéma ? La réponse, logique a posteriori, est celle d’un narrateur en voix off, un procédé connu dans le cinéma, mais qui n’est pas la norme, et rapproche le cinéma de la littérature. Un narrateur en voix off qui dit « tu », à des images en mouvement qui montrent quoi ? Un personnage, le personnage, qui ne parle pas, donc, pas plus que dans le livre[16], qui se déplace, fait mais ne fait rien, stagne dans Paris.

C’est, à mon avis, en cela que résident à la fois la qualité et l’originalité du film, c’est-à-dire d’avoir adopté un parti pris extrêmement littéraire et de l’avoir assumé totalement. Le film renonce ainsi à la plupart des caractéristiques habituelles du cinéma pour mettre en scène un texte, et ces vides laissent la place à autre chose, une expérience cinématographique autre.

La première séquence après les titres (un plan fixe), qui dure environ cinq minutes, montre le personnage dans sa vie quotidienne, et l’animation normale de la rue parisienne au matin. Le personnage lit, prend des notes, dort, se lève, se prépare et se rend à un examen. Il commence à composer, s’arrête, et regarde la caméra[17]. C’est seulement à ce moment que commence à se faire entendre la voix off. On comprend alors que ce personnage qui nous regarde, qui écrit dans la salle d’examen, n’existe pas, car, en réalité, il ne s’est pas levé. Ce prologue diffère radicalement de ce qui se passe dans le livre, où est décrite l’expérience sensorielle de l’endormissement. L’épisode de l’examen est situé dans la continuité du récit, et de l’atmosphère de torpeur que l’auteur y avait installé. Le spectateur est bien plus tendu que le lecteur : déjà, on lui a « menti » (on l’a mené en bateau durant cinq minutes), et le regard fixe du personnage sur la caméra, par un subtil effet de renvoi, oppresse le spectateur en lui donnant l’impression que c’est lui-même qu’il regarde, et donc lui-même à qui s’adresse là voix. Cette voix, sans pitié, sans chaleur, c’est celle de la société ; c’est une voix féminine car le personnage est un homme, pour signifier très sensiblement leur altérité réciproque[18] : autre subtilité que l’écrit ne pouvait permettre.

La sélection des passages du texte a été intelligemment faite dans cette perspective. A été ôté tout ce qu’il y avait de « réflexif », à savoir tout ce qui renvoie à l’intériorité du personnage, et tout ce qui était trop romanesque.

J’ai lu le livre bien après avoir vu le film. J’ai été surpris, parce que c’est, définitivement, une autre œuvre. Il donne une profondeur biographique et psychologique au personnage. Dans le film, tout semble gratuit : la chute (dans la quasi folie), comme sa sortie. Il y a une certaine violence, absente du livre, qui tient dans cette frontalité : l’intimité du personnage décrite dans le livre, malgré son étrangeté, est rassurante. Mais ce n’est pas une critique, au contraire : cette gratuité apporte quelque chose d’évident, d’universel, de non contingent à ce personnage, qui n’est plus un jeune homme d’une génération donnée, dans un contexte donné, mais la personnification de la condition humaine individuelle dans la société moderne. D’ailleurs, plus ou moins consciemment, Perec et Queysanne affirment ce parti pris en refusant (à quelques exceptions près) tout lieu de tournage trop particulièrement reconnaissable, spécifique à Paris : ils choisissent des lieux qui indiquent l’urbanité contemporaine, indissociable de la société industrielle en général[19].

Le roman de Perec, publié en 1967, mais commencé quelques années plus tôt, malgré son originalité, n’est pas complètement un OVNI dans le paysage de la littérature française de cette époque : la critique a fait le rapprochement avec La nausée et L’étranger concernant la nature du personnage, et d’un point de vue formel, Perec n’est pas très loin de certaines expérimentations du nouveau roman (La Modification de Butor tente le « vous » pour envisager un rapport différent au lecteur, La Jalousie de Robbe-Grillet, Duras, Simon, etc.), toutes influences qu’il rejette plus ou moins[20]. En 1974, au cœur des années de plomb qui suivent l’échec de 68, un climat de défiance vis-à-vis du « système » règne dans l’art, et ce sont en particulier des années très riches concernant le cinéma expérimental. Le caractère très sombre du film contraste avec l’image qu’on peut avoir de Perec, celui d’un sympathique amuseur cachant une tristesse profonde. Il y a, dans ce film, quelque chose d’indéniablement politique. Et il me semble que le média cinématographique permet à Perec, par le truchement de l’évidence, de la frontalité sèche des images[21], d’explorer une voie qui lui était plus difficilement accessible par l’écrit[22].

***

Pour terminer, on peut inventorier quelques pistes d’analyse dont une étude plus approfondie pourrait éventuellement s’emparer.

A priori, on peut se dire que le problème de la direction des acteurs n’en fut pas un, étant donné qu’on en a deux, qui ne font chacun qu’une partie du travail habituel : l’un est un corps, l’autre une voix. Pourtant, il a fallu, pour obtenir cette « neutralité » à laquelle il tenait, sévèrement contrôler Jacques Spiesser et Ludmila Mickaël pour éviter qu’ils utilisent leurs trucs d’acteurs.

La place du livre, et des autres arts dans le film pourrait mériter un traitement particulier : la bibliothèque bien fournie du personnage, son rapport à la lecture du Monde, le tableau de Magritte (qui, en outre, est un clin d’œil à la narration en « tu ») affiché dans sa chambre ou figure un livre…

D’une manière générale, une inscription du film dans l’histoire du cinéma, ses influences[23], sa réception, sa postérité, permettrait de donner à cette œuvre la place qu’elle mérite. Ils assument, en la nuançant, la qualification de certains critiques, qui ont vu dans le film un lien avec le cinéma expressionniste.

Je n’ai pas parlé de la bande sonore, quoiqu’elle sonne remarquablement juste ; peut-être cette justesse la fait-elle, paradoxalement, oublier. Dans le détail, on doit sûrement pouvoir trouver des éléments à interroger.

Au reste, une analyse beaucoup plus approfondie du déroulement du film (du montage), du crescendo rythmique qu’il contient, du plan-séquence final où le personnage réintègre la vie − la ville −, de la sélection des passages du livre qui sont gardés dans le film serait à n’en pas douter extrêmement féconde.

Bibliographie

E&C : Georges Perec, Entretiens et conférences. Vol. I, 1965-1978, Joseph K., 2003.

HD : Georges Perec, Un homme qui dort, Gallimard (Denoël), coll. « Folio Plus », 1998.

Catherine Lorente, « Georges Perec et le cinéma », in Marc Cerisuelo, Valérie Berty, Quand les écrivains font du cinéma. Instantanés critiques, Archives Karéline, 2012.

Un homme qui dort, un film de Georges Perec et Bernard Queysanne, 2 DVD, La vie est belle éditions, 2007.

Cet article a été rédigé en 2013, à l’occasion d’un cours de Marc Cerisuelo sur l’adaptation artistique à l’université de Marne-la-Vallée.


[1] Certains souvenirs particuliers que j’avais du film se sont révélés, en outre, ne pas exister : je croyais par exemple que la « bassine de matière plastique rose » était véritablement rose, et que la bobine du film « brûlait » à l’acmé de l’intensification du montage.

[2] Perec, s’il ne cache pas la dimension autobiographique de cette « aventure », estime également que c’est une expérience assez commune (E&C, p. 162, p. 180. Pour les références complètes, voir la bibliographie).

[3] À propos du personnage, Perec dit ceci : « Il refuse toute la mythologie du suicide, de la folie. Entrer dans la folie, c’est une manière de fuir la vie qui n’appartient pas à tout le monde. »

[4] « […] il réduit sa vie à quelques activités purement végétatives. […] Il s’habille, il mange, il marche, il dort, il lit un journal, et ce sont pour lui des actions neutres, dégagées de toute valeur. La seule chose qui lui importe, c’est son indifférence, son inexistence. » (E&C, p. 153.)

[5] « Ce qui te trouble, ce qui t’émeut, ce qui te fait peur, mais qui parfois t’exalte, ce n’est pas la soudaineté de ta métamorphose, c’est au contraire, justement, le sentiment vague et lourd que ce n’en est pas une, que rien n’a changé, que tu as toujours été ainsi, même si tu ne le sais qu’aujourd’hui : ceci, dans la glace fêlée, n’est pas ton nouveau visage, ce sont les masques qui sont tombés […] [etc.] » (HD, p. 27)

[6] « — Vous pensez que c’est une démarche exemplaire ? — Elle est d’abord rigoureuse. Parce qu’elle prend une situation, va jusqu’au bout de cette situation, et la rend la plus générale possible. […] » (E&C, p. 180, Perec répond à un journaliste).

[7] Le cas le plus classique de l’adaptation cinématographique étant celui d’une œuvre littéraire écrite par un écrivain (souvent mort) adaptée par un réalisateur dont c’est la profession. Bien entendu, Georges Perec n’a pas été le premier ni le dernier des écrivains à tenter l’aventure, car ce cas de figure a pu, par exemple, donner lieu à un ouvrage dirigé par mon éminent lecteur, accompagné de Valéry Berty, Quand les écrivains font du cinéma. Instantanés critiques, Archives Karéline, 2012, comprenant d’ailleurs un article de Catherine Lorente sur Perec, auquel je ne manque pas de faire référence par la suite.

[8] Au moment où il entreprend ce projet. Il réalisera, seul, un moyen métrage en 1976. Je développerai un peu plus cette question (dans quelle mesure Perec n’est-il pas un cinéaste) dans la suite.

[9] Cette question ne pourra, hélas, qu’être superficiellement abordée.

[10] Une déclaration qu’on trouve dans le livret inclus dans le coffret du DVD (voir la bibliographie), qui contient en outre un texte de Franju, un autre de Queysanne et le texte intégral du film. Il dit ailleurs : « En écrivant Un homme qui dort, je voyais ce type marcher dans les rues, je le revoyais passer toujours dans les mêmes endroits, refaire toujours les mêmes gestes et j’avais l’impression que cette espèce de description d’un labyrinthe avait quelque chose de cinématographique. J’avais surtout l’impression d’une dimension supplémentaire que l’on pouvait donner au livre. » (E&C, p. 158 ; c’est moi qui souligne).

[11] E&C, p. 158.

[12] En effet, malgré le grand succès des Choses (1965) et ses frasques oulipiennes (il entre à l’Oulipo en 1967, et publie La Disparition, roman lipogramme, en 1969), avant La vie mode d’emploi qui assoira définitivement sa figure dans la littérature française, il n’est pas, en 1974, considéré comme un écrivain de premier plan.

[13] Catherine Lorente, p. 126. Malgré l’âge et l’accomplissement artistique de Perec, Queysanne a réussi, on le voit, à imposer son influence sur le film, dès la préproduction. Il n’y a pas de doute que l’amitié des deux hommes a rendu possibles des compromis, évitant ainsi des conflits trop frontaux qui auraient pu mettre en péril la réussite de leur entreprise commune. Le prétexte de la « technique » est au centre, psychologiquement parlant, de ce compromis.

[14] Ibid., p. 127-128.

[15] Il est possible également que, du fait de sa cinéphilie et de l’influence du cinéma sur son écriture (qui, par exemple, a adopté un équivalent du gros plan comme marqueur caractéristique de son style), il ait surestimé sa proximité à l’art cinématographique : c’est une chose de savoir apprécier un film, une autre d’en réaliser un.

[16] Le narrateur n’indique pas que le personnage ne parle jamais, mais il parle peu, et en tout cas jamais au discours direct. 

[17] Ce dernier élément serait intéressant à approfondir, parce qu’il s’agit généralement d’un interdit cinématographique (car il brise la paroi, le contrat diégétique), et a une signification originale dans ce film. J’en dis tout de même quelques mots dans la suite de ce paragraphe.

[18] E&C, p. 176.

[19] Ce qui peut expliquer aussi la disparition de la séquence à la campagne, outre la justification qu’en donnent les deux hommes.

[20] En 1962-1963, avant d’être publié, il a en effet commencé, au sein du groupe La ligne générale, par critiquer ces deux courants dominants. Implicitement, il reconnaît une filiation avec Le Clézio et son livre Le Procès verbal, prix Renaudot 1963.

[21] Il faut noter à ce propos la fascination de Perec pour le film de Resnais (et Duras) Hiroshima mon amour, et notamment la séquence d’ouverture.

[22] Je suis conscient du caractère un peu hasardeux de ces déclarations ; donnons-leur un statut d’hypothèse.

[23] Elles sont nombreuses. Concernant le livre, Perec faisait un rapprochement avec le film d’Alain Jessua La Vie à l’envers (1964).

 

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